The Shape of Water : la Belle et la Bête façon Guillermo del Toro ?

Synopsis : La "Forme de l'Eau" se déroule durant la Guerre Froide, et raconte l'histoire d'amour entre une femme de ménage muette travaillant dans un laboratoire secret du gouvernement américain et une créature humanoïde amphibienne capturée dans la jungle amazonienne.

L'avis de Mutur

Après le délire issu de la japanimation qu'était Pacific Rim, Guillermo del Toro continue à tracer son chemin de cinéaste singulier. Malgré son expérience de réalisateur de blockbusters, celui qui aurait pu choisir de faire Pacific Rim Uprising s'est plutôt penché vers un petit film de vingt millions de dollars, une romance fantastique inspirée entre autres par la Créature du lagon noir ( film de monstre culte des années 50 ).
Il en ressort un film assez unique dans le monde cinématographique moderne, articulé autour d'une structure narrative assez classique, mais où l'on retrouve toute la patte artistique que le réalisateur mexicain a développé au cours de ces vingt dernières années.

Points forts :

- Le casting composé d'acteurs relativement peu connus : Sally Hawkins s'offre le rôle d'une vie en agent d'entretien muette mais courageuse. Michael Shannon est impitoyable et terrifiant. Richard Jenkins, Octavia Spencer et Michael Stuhlbarg sont tous très justes dans leur jeu.
- La patte visuelle du film : de la cinématographie aux couleurs saturées si chères au réalisateur mexicain, au travail insensé sur les décors et les maquillages de la créature. On est à mille lieues des soupes numériques insipides et fades proposées par de nombreux blockbusters coûtant dix fois plus cher. Si un film Bioshock devait voir le jour, c'est de cette ambiance-là qu'il devrait se rapprocher.
- L'empathie que le film parvient à créer vis-à-vis de ses personnages. On se prend de sympathie pour la créature dès les premiers plans et on souffre avec elle lorsqu'elle est torturée par le colonel.
- Le suspense assez insoutenable dans la deuxième partie du film, qui donne des leçons de rythme et de mise en scène à certains thrillers.
- Le contexte historique ( la ségrégation et l'homophobie de la guerre froide ) qui n'est pas là uniquement pour l'exostisme de ses visuels art-déco et fait habilement écho au thème central de l'histoire ( la peur de la différence ).
- La musique d'Alexandre Desplat.

Points faibles : 

- Un coup de foudre qui arrive trop tôt dans l'histoire, qui pourrait prendre plus le temps de construire la relation entre Eliza et la créature afin qu'elle soit plus crédible par la suite.
- En dépit de son exécution quasi-parfaite, le récit central reste extrêmement classique et prévisible.

muturscore : 7.5/10 "Oeuvre singulière qui fait cohabiter une poésie éthérée avec des moments d'ultra-violence, The Shape of Water est un film dont les images iconiques continuent de hanter l'imagination longtemps après son visionnage."

 L'avis de Gibbonsking

C'est sans aprioris que je suis allé voir le film, ne sachant pas de quel genre de film il s'agissait ni même qui l'avait réalisé. Force est de constater que dès les premières minutes du film, mes interrogations se sont volatilisées.

Points positifs :

On reconnait d'emblée la patte de Guillermo del Toro en voyant les premiers décors. Des décors qui ont manifestement bénéficié d'un soin du détail propre au réalisateur. En effet, ici tout est sale, froid (l'abondance de carrelage dans toutes les pièces) et poussiéreux. Tout dans ces décors est fait pour faire éprouver au spectateur la dureté du monde. On comprend alors un des thèmes chers au Mexicain: l'amour opposé à l'hostilité d'un monde dur, sans vie, avide de destruction. Thème déjà décliné dans le Labyrinthe de Pan, qui confrontait l'innocence de l'enfant face à la dureté du monde des adultes.  Cette opposition parfaitement retranscrite dans le contraste entre l'appartement du voisin de notre héroïne, bordélique à souhait mais rendu chaleureux par des tapisseries chaudes et une abondance de vie (les chats ici) et la maison de l'antagoniste principal, propre, neuve et sans vie.

Pour ce qui est du style, l'instauration d'une voix off de narrateur dès les premières minutes du films nous indique que nous sommes dans un conte. Style de narration favori de Guillermo del Toro, qui est très bien soutenu par les visuels du film.

Les personnages: Les personnages du film sont très bien écrits, mention spéciale à Michael  Shannon qui arrive à faire cohabiter tous les traits les plus détestables  du genre humain dans un même personnage sans le rendre caricatural. Personnage qui est là pour symboliser la dureté de ce monde, à laquelle on ne peut échapper que grâce à l'amour. Le jeu muet de Sally Hawkins est impeccable. Les personnages secondaires sont attachants. On apprécie bien évidemment la réalisation impeccable d'un monstre convaincant sans CGI en 2018 au cinéma. 

Points négatifs:

Malgré tous ces points positifs qui, je pense, en font un film de qualité, il n'en reste pas moins que j'ai eu énormément de mal à rentrer dans le film.

Je pense que cela est du notamment au fait, que tout ou presque dans ce film a déjà été fait. L’histoire qui nous est contée ici, nous la connaissons par cœur. Le scénario est malheureusement très plat, aucune surprise ni subtilité. Le film est donc très linéaire et prévisible. Trop. On connait par avance les scènes avant qu'elles se produisent, ce qui rend le visionnage du film ennuyeux. La réalisation instaure une caméra assez éloignée de ses personnages pour coller au style du conte (comme si on s'imaginait l'histoire qui nous est narrée). Mais malheureusement, ce choix de cadrage nuit à l'immersion et à l'empathie pour les personnages. Le film est beau, les décors sont beaux, mais j'ai vraiment eu du mal à y voir de belles scènes. Je n'ai pas non plus été convaincu par la musique d'époque forcée qui nous oppresse plus qu'elle ne porte les sentiments des personnages.

Gibbon score: 5/10. "Film aux qualités indéniables, La Forme de l'Eau n'a pas réussi à m'immerger dans son monde. Je suis sans doute resté à la surface."